Braziella a un problème. En elle couve un brasier perpétuel, une incandescence de feu de forêt, un torrent de lave indompté. Elle mérite bien son nom : la Fée des Braises. À sa naissance, elle portait déjà dans sa poitrine une étincelle timide, mais prometteuse. En grandissant, cette escarbille est devenue flamme, puis feu de joie. Braziella est la fée qui porte la responsabilité de tout ce qui est embrasement, de l’allumage d’une bougie à la destruction d’une ville par le feu.
Mais le problème ne se situe pas là. La Fée des Braises aime mettre le feu, c’est son boulot. Elle est toujours prête pour attiser un barbecue à la fête des voisins, ou pour rôtir des poulets chez le traiteur du coin. Non, le souci, c’est sa vie sociale. Elle n’en a plus. Les gens l’évitent ou la fuient. Pourtant, elle est bien sympathique. Toujours le mot pour rire, très dévouée dans son travail, et jolie, avec ça. De l’extérieur, on ne soupçonne pas la fournaise qui flamboie en elle. Sa peau est à peine plus rose que la moyenne, et ses joues un peu plus rouges. Bien sûr, elle arbore aussi une rousseur flamboyante qui révèle son tempérament de feu.
Le problème, c’est la chaleur qu’elle dégage. Lorsqu’on s’approche d’elle, on a la peau qui picote, quand elle ne cloque pas, les poumons qui surchauffent, les poils qui se recroquevillent. Juste à côté d’elle, les gens tombent comme des mouches, c’est coup de chaleur et insolation garantis. On a même vu des cas de combustion spontanée des sourcils, c’est vous dire ! Alors ils restent à une distance raisonnable, il faut les comprendre. Même à quelques mètres, vous avez déjà le teint rougi et pelé d’un touriste fraîchement débarqué, sans parler du front luisant et des aisselles qui se parent de larges auréoles disgracieuses.
Braziella ne supporte plus cette situation et décide de partir, elle s’exile pour ne plus faire souffrir les gens autour d’elle. Elle prépare un petit sac à dos ignifugé avec quelques affaires indispensables, dit au revoir à ses amis et à sa famille, les larmes s’évaporant instantanément sur sa peau brûlante. Elle part à pied, en direction du Nord.
Nous ne raconterons pas ici son long voyage. Sachez seulement que partout, elle rencontrera le même problème, et que son périple la mènera vers des contrées sauvages de plus en plus éloignées et désertiques. Mais ne pensez pas que la fin de l’histoire va la trouver seule et abandonnée dans une cahute au Groenland. Non, parce que la magie de l’Amour va s’en mêler.
Sur la lisière d’un gigantesque glacier dans les confins du Grand Nord, sous les assauts d’une tempête de neige complètement folle, Braziella va rencontrer le Prince des Glaces. Elle ne pourra détacher son regard de braise de la haute silhouette recouverte d’un long manteau blanc serti de diamants. Lui contemplera ébloui la jeune fille resplendissante qui fait fondre la neige sous ses pas. Il l’emmènera dans son palais de glace et l’installera au creux de l’immense cheminée qui orne son salon. Il s’assiéra non loin d’elle, dans un grand fauteuil en bois sculpté, et la regardera droit dans les flammes. La couche de givre qui recouvre en permanence son visage fondra et Braziella découvrira alors la fabuleuse beauté du Prince. Ils vivront ainsi jusqu’à la fin de leurs jours, le Prince des Glaces réchauffé par la douce chaleur de la Fée des Braises, et Braziella heureuse d’avoir enfin trouvé le seul être qui pouvait apprécier son tempérament ardent.