Colère blanche et trou noir

Céline sourit à son reflet dans le miroir. Ses grands yeux bleus limpides n’ont pas encore renoncé à la candeur et à l’innocence de l’enfance et posent toujours sur le monde un regard émerveillé. Elle observe sa peau claire, si fine et délicate qu’elle ne semble pas posséder le pouvoir de la protéger des agressions extérieures. Elle aime moins sa bouche, elle trouve qu’elle ressemble à ces petites lèvres peintes en rose sur le visage des poupées d’antan, et qui leur donnent un air pincé et peu naturel. C’est pourquoi elle sourit tout le temps, pour adoucir cette moue figée de celluloïd.

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Un ça va, deux c’est trop

La nuit est glaciale. Jim et Jeff sont emmitouflés dans une parka fourrée noire qui absorbe la pâle lueur des réverbères. De sa main gantée, Jim rajuste son bonnet pour se protéger des rafales de vent. Les pieds trempés par leur longue station dans un amas de neige sale fondue, il étouffe un juron. Les deux frères sont dissimulés derrière de vieux containers qui répandent dans la ruelle déserte une odeur de pourriture et de rat crevé. Des ombres épaisses leur collent à la peau, comme un manteau d’angoisse trop serré.

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Aller simple

Ordre de mobilisation. Matricule BA-47/64.928. Il est assis sur le rebord de son lit, le dos voûté, les coudes sur les genoux, les mains soutenant son visage défait. A ses pieds, son barda est posé, inerte. Il le fixe des yeux, incapable de déceler dans cet amas informe la moindre trace de danger, le moindre potentiel de destruction. Son matériel lui semble futile, inutile, une mascarade, même son fusil ressemble à un jouet. Jamais la fragilité de sa vie ne lui a paru aussi évidente qu'en cet instant.

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La dernière traversée

La violence du choc est proprement ahurissante. L'instant d'avant, Arthur regarde défiler la campagne baignée de lumière. Ses parents se disputent sur l'itinéraire à suivre, rien de nouveau sous le soleil. Adeline n’a jamais su donner une direction cohérente à son mari et laisse son âme d'artiste se perdre dans les méandres colorés de la carte routière.

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Le secret

Adèle a 15 ans. Ce pourrait être l'âge de l'insouciance, l'âge de vivre sans se préoccuper de l'avenir, parce que l'avenir, c'est un truc pour les vieux. Mais le destin d'Adèle est sombre. Elle a joué et elle a perdu. Et la chose grossit, impitoyablement.

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Négligence fatale

La situation empire de jour en jour. C’était pourtant déjà arrivé, même si, à l’époque, je m’en étais sortie de justesse. Ma mémoire est courte, mais je me souviens encore de cette lente asphyxie, de cette sensation terrifiante d’affaiblissement, de déliquescence inexorable. Je me rappelle la déficience graduelle de mes fonctions cérébrales, cette apathie grandissante qui me contraignait à une dérive incontrôlable.

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